Tout entrepreneur devrait savoir que depuis 1998 le gouvernement a mis en vigueur le règlement sur les restrictions aux licences d’entrepreneurs aux fins d’un contrat public.
Trop méconnu, l’effet d’un tel règlement est assez cinglant pour les entrepreneurs.
Essentiellement, ce règlement prévoit que lorsqu’un entrepreneur a contrevenu à un certain nombre d’infraction à la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (LRQ chap. R-20), la Commission de la construction du Québec en avisera la Régie du bâtiment du Québec (Art. 123.4.4. chap. R-20). Suite à quoi, la Régie du bâtiment du Québec émettra à l’entrepreneur fautif une licence dite restreinte (Art. 65.1 LRQ chap. B-1.1).
L’entrepreneur qui se voit imposer une licence restreinte ne pourra pas soumissionner et/ou exécuter des travaux en relation avec des contrats publics, que ce soit à titre d’entrepreneur ou de sous-entrepreneur (Art. 65.2 et 65.3 LRQ chap. B-1.1).
Un contrat public tel que défini à l’article 65.4 de la loi précitée vise tout contrat auquel est partie un organisme visé par la Loi sur l’administration publique, les commissions scolaires, les hôpitaux, les centres d’hébergements, les municipalités, les villes, et ce, sans limitation.
Tout entrepreneur qui exécuterait un tel contrat alors que sa licence comporte une restriction s’expose non seulement à de sérieuses amendes pénales mais à ce que la Commission de la construction du Québec ordonne la suspension des travaux.
La période pendant laquelle l’entrepreneur se verra imposer une licence restreinte sera de deux (2) ans si une seule infraction telle que :
a) Avoir payé ou avoir été condamné à payer à la Commission de la construction du Québec des réclamations salariales et/ou remises;
ou
b) Avoir eu ordre de suspendre l’exécution de travaux suite à une ordonnance de la Commission de la construction du Québec;
est commise.
La période pendant laquelle l’entrepreneur se verra imposer une licence restreinte sera d’une année, si, au cours des vingt-quatre (24) mois précédant, l’entrepreneur a commis l’une ou l’autre des infractions suivantes :
c) Avoir refusé de collaborer avec la Commission de la construction du Québec dans le cadre de son enquête;
d) Ne pas avoir inscrit son entreprise dans les registres de la Commission de la construction du Québec ou encore d’avoir omis d’indiquer les heures travaillées par un salarié dans ses registres ou ses rapports mensuels à la Commission de la construction du Québec;
e) De ne pas avoir transmis à la Commission de la construction du Québec l’un ou l’autre de ses rapports mensuels;
f) Avoir retenu les services d’un salarié sans que celui-ci ne détienne de certificat de compétence approprié.
Par contre, dans le seul cadre des infractions précitées c), d), e) et f), l’émission d’une licence restreinte ne sera imposée que lorsque l’entrepreneur aura cumulé au cours d’une période de vingt-quatre (24) mois consécutifs :
• Deux (2) infractions pour 10 000 heures ou moins de travail déclarées (au cours de l’année civile);
• Trois (3) infractions de 10 000 heures à 50 000 heures;
• Quatre (4) infractions de 50 000 heures à 100 000 heures;
• Cinq (5) infractions pour 100 000 heures et plus.
Il est possible pour l’entrepreneur de s’adresser au Commissaire de l’Industrie de la Construction pour tenter d’empêcher l’imposition d’une telle restriction. (Art. 80.2 LRQ chap. R-20).
Le problème réside en ce que cette demande doit être faite dans les trente (30) jours de la condamnation et non pas trente (30) jours de la date où la Régie du bâtiment du Québec vous avise qu’elle entend imposer une telle restriction à votre licence. Bien que certaines décisions récentes aient permis que l’entrepreneur fasse une telle demande hors délais, nous vous recommandons fortement de garder un registre des infractions qui vous sont reprochées afin de pouvoir formuler la demande auprès du commissaire dans ledit délai de trente (30) jours.
Les motifs qui pourront permettre au Commissaire de l’Industrie de la Construction de faire droit à votre demande se retrouvent à l’art. 80.2 LRQ Chap. R-20 et sont :
1. Avoir commis l’infraction en regard d’une mauvaise interprétation, de bonne foi, de l’assujettissement de vos travaux aux conventions collectives ou dispositions statutaires en vigueur;
2. Avoir tout de même déclaré toutes les heures réellement travaillées à la Commission de la construction du Québec et avoir respecté vos obligations fiscales;
Dans cette période où la main-d’œuvre qualifiée se fait rare, il est important pour l’entrepreneur qui se voit confronté au triste choix de retenir un salarié ne détenant pas les certificats de compétence requis pour l’exécution de travaux, de tout de même déclarer les heures de celui-ci à la Commission de la construction du Québec et payer les remises fiscales qui s’imposent. Cette façon de faire pourrait au sens de la loi vous permettre d’éviter l’imposition d’une licence restreinte.
-Paul Gouin, avocat
* Ce document est disponible uniquement à des fins informatives et ne constitue pas une opinion juridique.